14 December 2005 03:00
rimbaud 11 : le cyber coffee shop des alpha geeks
by hurlantenovaJe vous ai déjà expliqué comme quoi, mon associé étant mort, j'ai eu de grandes difficultés au Choa, à propos de sa succession. On m'a fait payer deux fois ses dettes et j'ai eu une peine terrible à sauver ce que j'avais mis dans l'affaire. Si mon associé n'était pas mort, j'aurais gagné une trentaine de mille francs; tandis que je me retrouve avec les quinze mille que j'avais, après m'être fatigué d'une manière horrible pendant près de deux ans. Je n'ai pas de chance !
Je suis venu ici parce que les chaleurs étaient épouvantables cette année dans la mer Rouge: tout le temps 50 à 60 degrés; et, me trouvant très affaibli, après sept années de fatigues qu'on ne peut s'imaginer et des privations les plus abominables, j'ai pensé que deux ou trois mois ici me remettraient; mais c'est encore des frais, car je ne trouve rien à faire ici, et la vie est à l'européenne et assez chère.
Je me trouve tourmenté ces jours-ci par un rhumatisme dans les reins, qui me fait damner; j'en ai un autre dans la cuisse gauche qui me paralyse de temps à autre, une douleur articulaire dans le genou gauche, un rhumatisme (déjà ancien) dans l'épaule droite ; j'ai les cheveux absolument gris. Je me figure que mon existence périclite.
Figurez-vous comment on doit se porter, après des exploits du genre des suivants: traversées de mer et voyages de terre à cheval, en barque, sans vêtements, sans vivres, sans eau, etc., etc.
Je suis excessivement fatigué. Je n'ai pas d'emploi à présent. J'ai peur de perdre le peu que j'ai. Figurez-vous que je porte continuellement dans ma ceinture seize mille et quelques cents francs d'or ; ça pèse une huitaine de kilos et ça me flanque la dysenterie.
rimbaud 10 : le cyber coffee shop des alpha geeks
by hurlantenovaNous sommes aux mois d'amour ; j'ai dix-sept ans. L'âge des espérances et des chimères, comme on dit, - et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse, - pardon si c'est banal, - à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes - moi j'appelle cela du printemps.
Que si je vous envoie quelques-uns de ces vers, - et cela en passant par Alph. Lemerre, le bon éditeur, - c'est que j'aime tous les poètes, tous les bons Parnassiens, - puisque le poète est un Parnassien, - épris de la beauté idéale ; c'est que j'aime en vous, bien naïvement, un descendant de Ronsard, un frère de nos maîtres de 1830, un vrai romantique, un vrai poète. Voilà pourquoi, - c'est bête, n'est-ce pas, mais enfin ?
Dans deux ans, dans un an peut-être, n'est-ce pas, je serai à Paris. - Anch'io, messieurs du journal, je serai Parnassien ! - Je ne sais ce que j'ai là... qui veut monter... - Je jure, cher maître, d'adorer toujours les deux déesses, Muse et Liberté.
Ne faites pas trop la moue en lisant ces vers... Vous me rendriez fou de joie et d'espérance, si vous vouliez, cher Maître, faire faire à la pièce Credo in unam une petite place entre les Parnassiens... Je viendrais à la dernière série du Parnasse : cela ferait le Credo des poètes !... - Ambition ! ô Folle !
rimbaud 7 : le cyber coffee shop des alpha geeks
by hurlantenovaL'Idole, Sonnet du Trou du Cul
Obscur et froncé comme un oeillet violet
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d'amour qui suit la fuite douce
Des Fesses blanches jusqu'au coeur de son ourlet.
Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse,
À travers de petits caillots de marne rousse
Pour s'aller perdre où la pente les appelait.
Mon Rêve s'aboucha souvent à sa ventouse ;
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.
C'est l'olive pâmée, et la flûte caline,
C'est le tube où descend la céleste praline :
Chanaan féminin dans les moiteurs enclos !
Albert Mérat
P.V - A.R.
rimbaud 8 : le cyber coffee shop des alpha geeks
by hurlantenova.. Voici le printemps. Le plant de vigne de l'abbé*** bourgeonne dans son pot de terre: l'arbre de la cour a de petites pousses tendres comme des gouttes vertes sur ses branches; l'autre jour, en sortant de l'étude, j'ai vu à la fenêtre du second quelque chose comme le champignon nasal du sup***. Les souliers de J*** sentent un peu; et j'ai remarqué que les élèves sortent fort souvent pour... dans la cour; eux qui vivaient à l'étude comme des taupes, rentassés, enfoncés dans leur ventre, tendant leur face rouge vers le poêle, avec une haleine épaisse et chaude comme celle des vaches! Ils restent fort longtemps à l'air, maintenant, et, quand ils reviennent, ricanent, et referment l'isthme de leur pantalon fort minutieusement, - non, je me trompe, fort lentement, - avec des manières, en semblant se complaire, machinalement, à cette opération qui n'a rien en soi que de très futile...
rimbaud 6 : le cyber coffee shop des alpha geeks
by hurlantenovaMauvais sang
J'ai de mes ancêtres gaulois l'oeil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.
Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d'herbes les plus ineptes de leur temps.
D'eux, j'ai : l'idolâtrie et l'amour du sacrilège ; - Oh ! tous les vices, colère, luxure, - magnifique, la luxure ; - surtout mensonge et paresse.
J'ai horreur de tous les métiers. Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles. La main à plume vaut la main à charrue. - Quel siècle à mains ! - Je n'aurai jamais ma main. Après, la domesticité mène trop loin. L'honnêteté de la mendicité me navre. Les criminels dégoûtent comme des châtrés : moi, je suis intact, et ça m'est égal.
Mais ! qui a fait ma langue perfide tellement qu'elle ait guidé et sauvegardé jusqu'ici ma paresse ? Sans me servir pour vivre même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j'ai vécu partout. Pas une famille d'Europe que je ne connaisse. - J'entends des familles comme la mienne, qui tiennent tout de la déclaration des Droits
de l'Homme. - J'ai connu chaque fils de famille !
rimbaud 5 : le cyber coffee shop des alpha geeks
by hurlantenovaEnfances, III
Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.
Il y a une horloge qui ne sonne pas.
Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.
Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.
Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.
Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.
Il y a enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui vous chasse.
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